La première grande étape de la justice française au 16ème
siècle commence avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Son intérêt est quadruple.
Elle marque, d’abord, la volonté de rendre l’administration accessible au
peuple par le remplacement, dans les actes notariaux et judiciaires, du latin
par le français. Par là, elle donne à ce dernier une force d’impact
considérable qui le fera progresser, au cours des siècles suivants, au
détriment de la langue d’oc et des autres parlers du royaume et en fera un
admirable instrument de centralisation. Sur le plan de l’état civil religieux,
l’ordonnance impose aux prêtres l’obligation, déjà recommandée depuis le milieu
du 15ème siècle par un certain nombre d’autorités religieuses, de
tenir les registres paroissiaux. La mesure est longue à s’imposer et il faut
attendre la fin du 17ème siècle pour qu’elle soit réellement
appliquée d’une manière générale. Ces registres sont devenus l’une des bases
essentielles de la rénovation des études historiques. L’ordonnance se veut,
cependant, essentiellement œuvre de transformation judiciaire. Elle «laïcise»
la justice, en ne laissant aux officialités religieuses que leur seule
compétence dans les questions de la foi. La systématisation et la
rationalisation de la justice aboutissent à la réglementation de la procédure
criminelle (institution de l’instruction secrète et de la question). Enfin,
dernier aspect de l’œuvre, l’ordonnance interdit toute coalition aux compagnons
et aux artisans. Elle traduit ainsi la pression exercée, dès le début du
siècle, sur les masses salariales, dont la condition s’était considérablement
améliorée au cours de la seconde moitié du 15ème siècle. C’est, au
total, une œuvre capitale qui demande, pour pouvoir être comprise
objectivement, à être replacée dans son temps: l’augmentation de la pression
démographique, le début du «plafonnement» des ressources agricoles, l’influence
croissante du droit romain, la rationalisation de la société française. Mais,
sous l’Ancien Régime, son application fut inégale et progressive.
(Sources : Universalis, auteur Jean
Meyer)