Parchemin horizontal: L’origine des noms de famille 

 

 

 

 

 

 


La situation en l'an Mil

La plupart des gens portent un seul nom, leur nom de baptême. Il y a cependant une énorme variété de noms disponibles, ce qui fait que les problèmes d'homonymie ne sont pas encore trop graves. Mais, en moins de deux siècles, les choses vont se compliquer, car les possibilités de choix se sont appauvries en raison d'un phénomène bien connu : la mode.

í     Entre les années 970 et 979, sur un ensemble de 238 individus, on rencontre 172 noms différents.

í     Entre 1070 et 1079, sur un total de 159 individus, on ne trouve plus que 58 noms différents.

í     Entre 1170 et 1175, sur 272 individus, il ne reste que 44 noms différents, soit en moyenne un nom pour six personnes.

(les études de Paul Aebischer)

La situation est devenue ingérable. D'où le recours systématique à l'usage d'un second nom, qui sera accolé au premier.

Donc, dès le 12ème siècle, chaque individu va avoir deux noms, le second devant être suffisamment explicite pour permettre une différenciation efficace.

Classement des noms de famille

Ceci dit, le choix du deuxième nom, que nous appellerons maintenant nom de famille, s'est fait partout de la même façon, ce qui nous permet de classer les noms de famille en quatre catégories : nom du père (ou plus rarement de la mère), nom d'un lieu, nom de métier ou de dignité, surnoms divers.

ð   Nom du père (ou de la mère)

Utilisé, dans près de la moitié des cas. La conséquence, c'est qu'aujourd'hui presque une personne sur deux, a comme nom de famille, un prénom ou un ancien prénom. On peut distinguer quelques sous-catégories :

í     Le nom du père a été conservé tel quel : Martin, Roger, Thomas, Vidal, Michel etc...

í     Dans certaines langues, on a utilisé un affixe (préfixe, ou le plus souvent suffixe) pour marquer la filiation :

-         EZ en castillan (Sanchez, Martinez, Perez)

-         ES en Portugais

-         SON en anglais (Jackson, Davidson, Richardson)

-         SEN en Scandinavie

-         I  de la finale des noms italiens (Martini, Alberti, Baldi)

-         BEN, généralement séparé du nom, chez les Arabes et les Juifs

í     En français et en catalan, on n'a pas utilisé systématiquement ce genre d'affixes, même si certains S catalans en finale (ou encore le suffixe -ES) sont parfois considérés comme des marques de filiation. Par contre, on a fait un grand usage des hypocoristiques, diminutifs affectueux formés par aphérèse (suppression du début du mot : Antonin > Tonin) et suffixation. Les suffixes catalans les plus utilisés sont -ET, OT, que l'on trouve dans Joanet, Guisset ou Payrot.

í     Plus rarement, c'est le nom de la mère qui a été utilisé (on parle alors de matronyme), par exemple dans Martine ou Lamartine.

ð   Nom d’un lieu

Les toponymes, ou noms de lieux, ont été fréquemment utilisés, et peuvent désigner :

í     La ville ou le village dont la personne est originaire, à condition que ce ne soit pas la ville où l'on habite (Tolza = de Toulouse), ou encore la province ou le pays d'origine (Alemany = Allemand, Lebreton, Limouzy).

í     La maison, sa situation dans la ville, son état (Casanova = la maison neuve, Casagrande = la grande maison, Casamitjana = la maison du milieu, Casademont = la maison d'en haut, Casadevall = la maison d'en bas).

í     Le lieu où l'on habite, dans le village ou à proximité : Puig (la colline), Pujol (la petite colline), Bosc (le bois).

í     Le lieu où l'on travaille, le type de parcelle agricole ou de propriété que l'on possède : Lafargue (la forge), Lavigne, Trilles (= treille), Lagrange, Colomer (colombier).

ð   Nom de métier ou de dignité.

Le plus utilisé de tous est Fabre (Faivre, Lefèvre, Faure etc...), qui désignait le forgeron. Mais beaucoup d'autres métiers sont représentés : tisserand (Tixador, Teissier), sabotier (Sabater), pareur de draps (Parayre) etc...

Parmi les dignités, notons en pays catalan le Batlle, représentant du seigneur dans le village. Certains noms de dignités sont en fait des sobriquets : il est évident que les nombreux Rey catalans ou les Leroy de France n'ont jamais été rois, sinon au cours de fêtes populaires.

ð   Surnoms divers.

La catégorie la plus délicate à cerner, tant les surnoms ou sobriquets sont nombreux et parfois difficiles à interpréter. Si quelqu'un est appelé Loiseau, est-ce parce qu'il siffle bien, qu'il a aussi peu de cervelle que ce volatile ou qu'il est léger comme une plume ? On peut cependant, là aussi, établir quelques sous-catégories.

í     Surnom lié aux circonstances de la naissance. Par exemple un enfant né en avril s'appellera Abril, un enfant né un jeudi Dijous (c'est souvent ainsi que l'on baptisait les enfants trouvés).

í     Surnom lié à une particularité physique : Nègre (noir), Roig (rouge), Blanc, Grand, Petit, Calvet (chauve), Prim (maigre)...

í     Surnom lié à une qualité ou à un défaut, à un trait du caractère ou du comportement : Bo (bon) et son diminutif Bonet, Malet (son contraire), Amoros (amoureux)... Le surnom n'est parfois pas forcément lié au comportement de l'individu, mais de son épouse (Cocu, Cornard, mais il faut se méfier des apparences : Cocu serait au départ simplement une métaphore avec l'oiseau le coucou, le sens de mari trompé n'étant attesté qu'à partir du 15ème siècle).

í     Comparaison avec un animal, par exemple Loiseau (en catalan Ausseil, Ocell).

í     Les inclassables. Il s'agit de surnoms reposant sur une anecdote (ou un fait grave), mais dont il nous est impossible de découvrir l'origine, celle-ci remontant à plusieurs siècles.

Tous ces noms de famille ont été officialisés au 16ème siècle, l'ordonnance de Villers-Cotterets (1539) ayant rendu la tenue des registres paroissiaux obligatoire en France. Les autres pays n'ont pas tardé à suivre. Cela n'a pas empêché les noms de continuer de changer d'orthographe au gré des déclarants, des curés ou plus tard des secrétaires de mairie.

 

De nos jours, en France, une personne sur deux porte un nom très rare, huit personnes sur dix portent un nom rare.

Nom très rare : porté par moins de dix personnes.

Nom rare : porté par moins de cinquante personnes.

Il y a environ un million de patronymes différents aujourd’hui, contre 520 000 au début du 20ème siècle.

 

(Sources : Signification des patronymes - Jean Tosti et « Encyclopédie des noms de famille » - Marie Odile Mergnac)